"Quand on est seule, vivante, avec son chameau dans une immensité morte, emplie de silence et de religiosité, on comprend qu'on n'a pas le droit d'interpréter les merveilles que la nature nous révèle. Il faut les transcrire telles qu'elles se manifestent, avec la pureté des impressions qu'elles vous causent."
Geneviève Demnati (1893-1964)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Geneviève_Barrier_Demnati

lundi 22 décembre 2014

Extrait coloré d'un voyage en Corse



Sac au dos, canne à la main, la route est large, le soleil chaud, l’air frais. 
L’ombre des eucalyptus est odorante et fraiche, les figuiers de Barbarie sont étoilés de fleurs d’or…

- Montez dans notre voiture!
- Merci Monsieur nous marchons pour le plaisir et la grande joie de nous sentir vivre !

Arrêt au bord d’un ruisseau à la lisière du maquis. J’ai réveillé une couleuvre ou vipère qui dormait dans une tâche de soleil au bord de l’eau - drôle de compagnon de halte. 
La route est éclatante de lumière, elle monte monte et monte encore dans un grand cirque de montagnes.

En route pour le col Saint Georges, 9Km durs très durs. C’est très beau, chênes et chataîgners sont maîtres, les toits rouges semblent couvrir des niches minuscules au fond des vallées. 
Enfin Saint Georges, immense cirque plein d’ombres bleues que les feux des villages lointains étoile imperceptiblement. 
Avec nous la nuit descend dans la vallée, la lune projette sur le chemin sa lumière froide. Les crapauds chantent et de la terre monte par bouffée des odeurs poivrées, des odeurs de miel, des parfums de menthe, des parfums d’encens. La nuit est tout à fait là. Le sac pèse des Kilos. Enfin un chien aboie, une maison se dresse.

Le lendemain, les chênes remplacent les châtaigniers. Les pins remplacent les chênes. Quelques troupeaux, les deux gamines tricotent, le gamin porte fièrement l’accordéon.
Sac au dos, nous voilà sur le chemin en lacet vers la vallée sinueuse, sauvage et déserte. Halte. Lessive au ruisseau.

Au dessus de nous, le nuage marche, court et crève, sous un tas de fougères, en boule, on attend que la douche passe. Très beau les sous bois mouillés, tapissés de la rouille vive des fougères mortes. 
20 km en forêt, forêt de chêne, forêt de pins. Chaos de roches grises et roses. 

Le vieux a des yeux de rat noir, un grand nez sous le grand feutre.
- D’où venez vous, toutes seules ?
- A pieds, éternelle question !


Geneviève Barrier
Voyage avec Marie Lelièvre, à pieds à travers la Corse (avant 1926)


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